Témoignages

Gentleman farmer

Par Edgar Chaput le 30 avril 2019
Edgar Chaput

Président & Co-fondateur de Perfarmer

Emeric Laffont incarne une génération de jeunes agriculteurs ambitieux et pragmatiques : amoureux de leur métier mais prêts à le défier

 

A quoi pensent-ils, Simone et Jean-Louis, quand ils voient leur petit-fils de 25 ans, deux têtes plus haut que tout le monde, tiré à quatre épingles dans ses habits de citadin, s'affairer entre le tracteur, le hangar et la cuisine, un ordinateur portable dans une main et un smartphone dans l'autre ? Quand ils étaient aux manettes, dans les années 1950, leur exploitation de Crastes (252 habitants) s'étendait sur 25 petits hectares: des céréales surtout, quelques vaches laitières. Soixante ans ont passé, Emeric s'est associé à son père, il a poussé les meubles, acheté des terres et cultive désormais 300 hectares de céréales, dont il stocke 600 tonnes dans d’immenses silos. Entre deux gorgées de café, les grands-parents contemplent le ballet hebdomadaire de cet apprenti agriculteur, qui semble savoir très exactement où il va.

Emeric Laffont n'est pas agriculteur par tradition familiale. En 2016, il a choisi de s'installer sur la ferme de son père alors qu'il n'y était ni franchement encouragé par ses proches, ni acculé par un horizon professionnel bouché. 

« J'ai fait ce choix par envie avant tout, celle d'être mon propre chef notamment, et par fierté un peu aussi »,  sourit-il.

A choisir, il se sent d'ailleurs moins paysan ou agriculteur que « chef d'exploitation ». Il vit à Toulouse, fait la navette pour aller aux champs comme on prendrait le métro pour aller au boulot. Il aurait pu faire un autre métier avant, il fera peut-être autre chose plus tard. Mais pour l’heure, il est à l’aube d’un beau défi agricole: celui de pérenniser l’exploitation familiale désormais agrandie. Et il l’aborde avec l’enthousiasme et la fébrilité d’un bon élève invité à se surpasser. “J’ai toujours aimé faire partie des meilleurs”, confesse-t-il.

 

Pour cela, Emeric assume une gestion axée sur la performance et la rentabilité. “J’ai refusé des propositions de jobs intéressantes pour pouvoir me lancer, donc il ne faudrait pas que j’y perde au change…”. Il s’est formé en école d’ingénieurs (Purpan), y a acquis une vision globale et technique du monde agricole. Il n’est pas mécontent quand son banquier le caricature en “agri-manager”, car au fond c’est aussi cela qui lui plaît dans cette agriculture 3.0. Très à l’aise sur le marché à terme, il a positionné une partie de ses récoltes jusqu’en 2021, “indispensable pour me prémunir des variations de prix”.  

 

Il s’agace parfois d’une tendance “jalousive” et “concurrentielle” dans le milieu agricole, où la question du salaire “reste un tabou”. Emeric, lui, milite pour un métier rémunérateur accessible à tous les agriculteurs.

« On a trop souvent tendance à raisonner en bénéfices alors qu'en réalité, il s’agit d’opportunités qu’on parvient - ou pas - à saisir », analyse-t-il.

 C'est dans cette brèche-là qu'il a bien l'intention de s'engouffrer.

 

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