Installée depuis près de trente ans dans le Gers, Cécile Foudral plaide pour une agriculture libre et indépendante.
Ce grand miroir cerclé de bois qui trône dans son salon, c'est elle qui l'a fabriqué. C'est aussi elle qui a élaboré et mis en bouteille le Côtes de Gascogne qui traîne sur le coin de sa table, et dont elle assure elle-même la livraison aux Parisiens et aux Bruxellois. Et c'est elle qui sème, récolte et commercialise les 500 tonnes annuelles de céréales sur son exploitation. Cécile Foudral a plusieurs casquettes mais elle est d'abord et surtout agricultrice. Installée depuis 1991, elle pilote seule le domaine d'Empeyron à Préchac (Gers), qui compte 160 hectares en grandes cultures et 12 hectares en vignes. Ses journées à rallonges n'ont jamais eu raison de son attachement au métier.
« Mon père était agriculteur, je m'étais juré que je prendrais une autre voie. Je n'ai pas tenu bien longtemps... »
L'année qui vient de se terminer n'a pas été facile. « Anxiogène, déprimante », tranche Cécile : la campagne 2017 aura été celle des prix bas et des cours capricieux sur le marché des céréales. En trente ans de métier, Cécile a vu l'agriculture changer, et la vie des agriculteurs aussi. « Depuis l'arrivée du Matif (marché à terme international français), on connaît enfin le prix de nos céréales et je continue de penser que c'est une bonne chose. Le revers de la médaille, c'est la volatilité des cours. C’est comme la bourse, sauf que tout le monde ne sait pas jouer en bourse. Et aujourd'hui certains agriculteurs ne sont pas en forme financièrement.»
Dans sa mezzanine, Cécile s'est aménagé une forteresse faite de classeurs, de cahiers, de calculettes, d'ordinateurs, de tableaux Excel... « Ici je regarde les cours jusqu'à cinq fois par jour, j'ai vingt-sept ans de compta archivés et tous les chiffres de mon exploitation : tout ce que j'ai besoin de savoir pour vendre mes récoltes. » Face aux risques du marché, elle est lucide mais pas fataliste, convaincue qu'il reste aux agriculteurs des leviers à activer pour mieux sécuriser leurs revenus. « Je milite par exemple pour la transparence sur le montant de la base, cette marge que prélève la coopérative ou le négoce sur nos ventes. Cette information est nécessaire mais opaque, il faut la réclamer. » Elle plaide aussi pour clarifier les relations avec les coopératives :
« Si j'ai besoin d'un crédit, je le demanderai à ma banque et non à ma coop : c'est une question d'indépendance. »
À voir trop d'agriculteurs subir les marchés, à en avoir elle-même fait l'expérience, Cécile laisse échapper une colère sincère mais motrice.
« Notre métier c'est de nourrir la planète et si demain il n'y a plus d'agriculteurs on court à la catastrophe. On a besoin d'être reconnus et rémunérés pour cela. Et parce que personne ne doit nous dicter notre métier, il faut que l'on ait la main sur nos exploitations. »
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